La Charte
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Est-ce que je parle de mon handicap à l’organisateur ?
samedi, 9 avril 2011
/ aline
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Témoignage de Sophie COVACHO, directrice de séjours de vacances porteur d’un handicap moteur :
Ma première direction il y a 6 ans dans un CLSH rural en Isère dans la banlieue de Vienne. J’ai exercé ces fonctions de direction volontaire après un « parcours classique » d’animatrice volontaire comme beaucoup de jeunes qui ont leur BAFA et souhaitent travailler durant l’été.
« Avant de vous relater les éléments qui ont été favorables à ce que cela existe, je peux vous raconter une expérience où je suis certaine que mon handicap a été le frein à mon embauche.
C’était lors de mes premières recherches de postes, j’avais trouvé un organisme qui organisait plusieurs séjours dont un à l’île de Ré, séjour pour lequel mon curriculum vitae avait été retenu. J’ai un entretien téléphonique avec le recruteur, les premières minutes de l’entretien se passent très bien, mon interlocuteur me donne carte blanche pour recruter l’équipe du séjour. Et la question fatale arrive :
« Est-ce que vous conduisez ?
- Non je n’ai pas le permis de conduire
- Pourquoi ...
- ... euh... j’ai un léger handicap physique qui m’empêche de conduire »
La conversation continue quelques instants car j’essaie de lui faire comprendre que ce n’est pas un frein à l’exercice de la direction... mon adjoint de direction lui aura le permis et pourra assumer des trajets s’il y a lieu... C’est une fin de non recevoir, il me répond : « mais comment je vais le justifier aux parents des enfants ».
Dans mon cas, aujourd’hui, et au regard des différents refus auxquels je me suis heurtée, s’il accepte de me rencontrer pour un entretien d’embauche, il sait déjà que je suis en situation de handicap, même si je ne l’écris pas systématiquement sur mon curriculum vitae. Alors durant l’entretien je vais m’appliquer à lui expliquer dans les détails mon projet de direction et ce que peut imposer mon handicap et comment dans la constitution de l’équipe de direction qui va travailler avec moi je vais être attentive à ce que je ne peux pas faire puisse être compensé. Aujourd’hui un adjoint de direction qui travaille avec moi doit avoir le permis de conduire, pouvoir conduire un minibus de 9 places et accepter de beaucoup se déplacer pour aller faire les courses diverses et variées inhérentes à un ACM.
Avec l’organisateur il me semble très important de ne rien éluder de la situation de handicap pour que celle-ci ne soit plus perçue comme un frein aux fonctions de directrice que je vais devoir assumer. À partir du moment où l’organisateur peut percevoir que malgré la situation de handicap je suis au fait des différentes fonctions d’un directeur d’ACM et réaliste sur ma possibilité de les assumer alors je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas travailler ensemble. Si nous acceptons de travailler ensemble alors il devra assumer avec moi les questions des parents qui vont l’interpeller en lui demandant si je vais être capable d’assumer mes responsabilités.
Il est entendu dans ce que je vous dis, je ne vais pas postuler sur n’importe quel type de séjours. De fait, je ne vais pas postuler sur un séjour ski ou itinérant, mes limites physiques font que je sais d’avance que je me retrouverai en difficultés à un moment ou un autre. »
Témoignage de Julie, 29 ans et vivant avec un trouble de la personnalité ; a entamé une démarche de formation en 2006 pour passer le BPJEPS et nous retrace l’étape de la recherche et de la rencontre avec un organisateur pour effectuer son stage :
« Trouver une structure de stage a été une étape éprouvante. Dans mes lettres de motivations ou les échanges téléphoniques, je préférais dans un premier temps ne pas évoquer la notion de handicap pour l’aborder plus ouvertement et directement face aux recruteurs. Je percevais souvent un certain malaise pendant les entretiens. En effet, ma particularité ne se « voit » pas.
La question fatale surgissait alors : Quel est votre handicap ? Le mot parait déjà effrayant pour de nombreuses personnes, alors que dire si on lui ajoute le qualificatif « mental » ou « psychique » ? C’est le tabou absolu. J’essayais alors de rassurer mes interlocuteurs en apportant une réponse la plus concrète et la plus explicite possible concernant mes limites.
Malgré ces précautions, les relations avec mon tuteur de stage ont été chaotiques. Il n’était pas évident pour moi de trouver ma place dans la structure, de prendre des initiatives, d’oser demander de l’aide, par crainte de déranger, de mal faire ou d’être jugée. Par conséquent, mon directeur ne parvenait pas à comprendre mes hésitations et mes difficultés lorsque tout lui semblait pourtant évident. J’ai été amenée à me surpasser, allant au-delà de mes capacités jusqu’à l’épuisement, pour être à la hauteur. »
Témoignage du côté d’un organisateur :
L’amicale laïque de Coüeron : est une association d’éducation populaire affiliner à la ligue de l’enseignement et aux Francas. Elle contribue à l’émancipation sociale et intellectuelle ainsi qu’à la formation civique de l’individu dans le cadre de l’éducation permanente.
Elle agit en complémentarité avec l’enseignemetn public, organise aussi des vacances et loisirs pour les jeunes de 3 à 17 ans.
Une directrice nous annonce qu’elle souhaite accueillir dans son équipe un animateur déficient auditif qui communique avec le support de la langue des signes. Un questionnement apparaît alors en bureau principalement autour de la question de la sécurité. Les organisateurs fonctionnent alors comme si l’aspect sécuritaire était la condition unique et absolue dans la fonction d’animateur....ce qui, au regard de la loi et du bon sens, paraît effectivement incontournable ! Si l’animateur ne possède pas l’oralisation, comment peut-il être garant de la sécurité des enfants ? Ce premier temps d’échange n’est absolument pas centré sur les stratégies de compensation possibles. Nous oublions presque de transposer la démarche de réflexion que nous avions eu pour l’accueil d’enfants en situation de handicap à celle d’un accueil d’animateurs en situation identique ; c’est à dire : avoir un entretien, recevoir des informations, poser les conditions matérielles, humaines.... d’un projet d’accueil. Il nous faut recommencer les démarches de réflexion car c’est la peur qui est apparue en premier et avons besoin d’être rassuré. Ensuite, l’équipe de bénévoles décide qu’elle adoptera avec cet animateur la même démarche qu’avec tous les animateurs qui postulent à l’Amicale.